Histoire et architecture | Eglise du Gesù
L’Eglise du Gesù a rejoint les Monuments de Toulouse en janvier 2025. Nichée au cœur du quartier des Carmes, l’église du Gesù est un joyau discret du patrimoine toulousain. Son architecture néogothique, ses décors peints à la cire et ses vitraux entièrement conservés, lui donnent un style original, qui en font un monument à part dans Toulouse.
Une église jésuite au cœur d’une ville déjà riche en clochers
Au XIXᵉ siècle, Toulouse était déjà surnommée « la ville aux cent clochers ». Cathédrales, basiliques, églises paroissiales et chapelles de couvents formaient un réseau dense de lieux de culte, héritage d’une histoire religieuse séculaire. Dans ce paysage saturé, l’édification de l’église du Gesù par la Compagnie de Jésus revêtait une portée particulière. Elle affirme la présence et l’influence d’un ordre intellectuel et missionnaire réputé, réinstallé en France après des décennies d’interdiction. L’édifice marquait non seulement un acte de foi, mais aussi une ambition éducative, puisque l’ensemble du site devait être étroitement lié à l’enseignement jésuite. Ainsi, le Gesù s’inscrivait à la fois dans la tradition religieuse toulousaine et dans un projet moderne d’encadrement spirituel et culturel.

Histoire et métamorphoses : du sanctuaire jésuite au temple de la musique
Origines et construction
L’église du Gesù doit son nom à l’église-mère des Jésuites à Rome. Érigée entre 1854 et 1861 sur l’emplacement d’un ancien hôtel de la sénéchaussée et des vestiges du rempart gallo-romain, elle est conçue par l’architecte Henri Bach. Cette commande offre à ce dernier une reconnaissance durable auprès des milieux catholiques toulousains. Le projet reflète la volonté des Jésuites de se doter d’un lieu de culte à la fois fonctionnel pour leur communauté et digne de rivaliser avec les églises historiques de la ville.
Du lieu de culte à salle de musique
Ouverte au culte en 1861 et consacrée en 1869, l’église connaît une histoire mouvementée. L’expulsion des congrégations enseignantes entraîne sa fermeture en 1880. Rouverte en 1920, elle est complétée en 1929 par le collège Saint-Stanislas. Dans la seconde moitié du XXᵉ siècle, l’affaiblissement de la présence jésuite à Toulouse conduit à son abandon.
En 2000, la Mairie de Toulouse en fait l’acquisition et engage une restauration ambitieuse. Le sanctuaire devient alors salle de concerts. Cette décision tient notamment à la présence d’un orgue classé monument historique que la ville cherche à valoriser. Inaugurée en 2006, la salle constitue aujourd’hui un pôle culturel apprécié, notamment pour son acoustique et la qualité de ses orgues. A ce titre, elle accueille les bureaux de diverses associations culturelles musicales toulousaines.
Toulouse les Orgues, l’Ensemble Baroque de Toulouse, Les Sacqueboutiers, Antiphona et Les Arts Renaissants.
Architecture et trésors artistiques : un écrin néo-gothique méridional
Style, volumes et décor intérieur
L’église est bâtie en briques sur un soubassement de pierre. Elle possède une nef unique de sept travées, bordée de chapelles latérales. Son élévation se compose de trois niveaux : chapelles, tribunes et fenêtres hautes. Ses dimensions sont imposantes : environ 52 m de long, 21 m de large avec les chapelles, 23 m de hauteur sous voûte et un clocher culminant à 41 m. Son orientation nord-sud, inhabituelle, accentue son originalité. Le décor polychrome, peint entre 1859 et 1869 par Auguste Bach, frère de l’architecte, enrichit encore la singularité du lieu. Les vitraux, réalisés par l’atelier Gesta, ajoutent une touche lumineuse et narrative au programme iconographique. Depuis 1994, l’église est inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques pour la protection de ses décors peints et vitraux.
L’orgue Cavaillé-Coll
Œuvre du célèbre facteur Aristide Cavaillé-Coll, l’orgue date de 1864. Il possède 24 jeux répartis sur deux claviers manuels et un pédalier. Un buffet néo-gothique à triples tourelles accueille l’instrument. Classé Monument Historique le le 24 février 1977 pour sa partie instrumentale, il conserve son état d’origine, offrant une sonorité ample et raffinée. Cet instrument d’exception, associé à l’acoustique généreuse de l’édifice, participe aujourd’hui au rayonnement musical de Toulouse, accueillant récitals et festivals, dont Toulouse les Orgues.
©Rémi Benali